Protège-moi de mon cœur… Chapitre 1
Eylie était sous la douche lorsqu’elle entendit la porte de sa chambre s’ouvrir. Sa mère entra, se dirigea vers le lit, pour y déposer son linge du lendemain, tout en ramassant celui qu’elle avait porté aujourd’hui, avant de s’en aller sans un mot.
La jeune fille poussa un long soupir quand la porte se referma.
“Cela va faire une semaine maintenant qu’elle ne m’adresse plus la parole. Précédemment, on se parlait régulièrement, surtout quand elle m’apportait mon repas. Mais du jour au lendemain plus un mot. Elle me faisait même parvenir un plateau-repas par la trappe au bas de la porte qui, depuis mes seize ans, est fermée à clé. Les seules fois où elle entre, c’est seulement pendant que je me douche afin de déposer du linge et prendre le sale. À vrai dire, je n’ai jamais compris pourquoi les choses étaient ainsi. Tout allait bien, du moins, le croyais-je.
Tout a changé, au cours de mes dix ans, lorsque ma sœur, Mia, est venue dans ma chambre durant la nuit pour me donner un poignard que je devais garder et cacher sans jamais en parler aux parents, car un jour, cela me servirait. Quelques jours plus tard, je rentrais à peine de l’école que l’on m’annonça que Mia s’était enfuie. Depuis, je n’ai plus eu le droit de sortir de la maison ni même pour aller à l’école. Vous vous demandez certainement comment j’ai pu faire pour m’instruire. Eh bien, c’est simple, jusqu’à mes quinze ans, une dame venait m’enseigner tout ce que j’aurai dû apprendre au collège en plus du ménage et de la cuisine.
Lors de mes seize ans, ma mère, étant professeur au lycée, a remplacé mon institutrice. Mais les choses sont devenues étranges, perturbantes même. Mon père, je ne sais pourquoi, ne vivait plus avec nous et elle, en plus des cours normaux, s’est mise à me donner des cours d’éducations sexuelles.
Si, si, vous avez bien entendu.
C’était vraiment déplacé, j’ai dû lire un livre qui s’appelle le “Kama-sutra” et elle m’a forcé à regarder ce qu’elle appelait un film porno.
C’est à ce moment-là, que j’ai eu l’interdiction de sortir de ma chambre, mais bon, dans tous les cas, même si je ne voulais pas obéir, je n’avais pas le choix.
Oui, la chambre était en permanence fermée à clé.
Je pouvais passer par la fenêtre ?
J’aurais bien voulu si l’on n’avait pas installé des barreaux à ces fenêtres.
Ce jour-là, j’ai commencé à éprouver de la peur et c’est alors que je me suis souvenue de ce que ma sœur m’avait dit quelques années auparavant. Je suis donc allée chercher le poignard que j’avais caché tout ce temps et ai pris la décision d’apprendre à m’en servir. Il faut avouer que ce n’était pas évident vu que j’étais seule, mais pendant ces deux ans, je suis devenue une professionnelle du visé lancé. Je peux atteindre n’importe qu’elle cible. Je ne savais pas pourquoi, mais quelque chose me disait qu’il fallait absolument que j’apprenne à me défendre.”
Elle sortit de la douche, une serviette enveloppée autour d’elle, s’approche du lit pour observer les vêtements déposés et resta figée.
Qu’est-ce que c’est que ça ?
Ses yeux s’écarquillèrent en les soulevant un par un. Il y avait, un bustier en dentelle bleu foncé et blanche, un string et porte-jarretelles assortis. Des bas et une longue robe bleu foncé, mais pas trop, à manches courtes et col bateau orné de dentelle blanche au niveau du col et de la ceinture.
Dessous, un mot, elle le prit et reconnût l’écriture de sa mère.
“Ma chère fille,
Demain, ton père viendra te voir et il souhaitait que tu portes la tenue que je t’ai apportée. Tu dois à tout prix les mettre et surtout faire tout ce qu’il te dira de faire. Ne le contredis sous aucun prétexte et tout se passera bien. La seule chose que j’ai pu faire pour toi est de t’avoir prescrit ce médicament que tu prends tous les jours. Cela t’empêchera de tomber enceinte.
S’il te plaît, pardonne-moi, je t’aime.”
Elle s’effondra au sol et des larmes se mirent à couler sur son visage. Voilà… Ce qui l’attendait.
“Mon père va… Non, ce… N’est pas… Possible. C’est de cela que Mia a essayé de me prévenir. Merde… Est-ce que ça veut dire qu’il a abusé d’elle et que c’est la raison pour laquelle elle s’est enfuie ? Si ça se trouve, elle est partie avant. Comment a-t-elle pu me laisser ici avec eux ! J’aurais dû me douter que quelque chose ne tournait pas rond. Mais quelle conne je suis ! Qu’est-ce que je vais faire ? Je ne peux pas laisser mon père me… Non, plutôt mourir ! Heureusement que j’avais pris la décision d’apprendre à me défendre, mais est-ce que cela sera suffisant ? C’est horrible, comment peut-il faire ça ? Et ma mère, comment peut-elle le laisser agir sans l’en empêcher ? Une mère, n’est-elle pas censée protéger ses enfants ?
Je ne mettrai pas ces affaires. Mais… Je n’ai rien d’autre.”
Elle se résigna et commença à s’habiller. Elle attrapa le drap et en déchira une lanière pour attacher le poignard à sa jambe droite au-dessus de son bas et qui serait caché par sa robe. Par-dessus la robe, elle mit sa robe de chambre. Après avoir fini, elle se dirigea vers la fenêtre, leva la tête et contempla le ciel, c’est la pleine lune. Elle prit une grande inspiration et pria pour que rien d’affreux n’arrive et que tout s’arrange. Elle ne pouvait même pas appeler à l’aide, car la maison se situait sur une falaise au milieu de nulle part. Aucune chance que quelqu’un puisse l’entendre et puis elle était sûre que sa mère débarquerait pour la faire taire. De plus, elle n’avait jamais eu de portable et n’avait pas accès au fixe.
“Est-ce que je vais me faire… Je… Je ne … Veux pas.”
Elle prit de nouveau une grande inspiration et s’approcha d’une commode remplie de livres qu’elle déplaça tant bien que mal pour bloquer la porte et la prévenir si quelqu’un tentait d’entrer.
Il commençait à se faire tard. Si elle voulait avoir la force d’affronter la journée de demain, il fallait qu’elle se repose. Elle alla donc se coucher sur son lit en rabattant la couette sur elle.
Malgré la peur et l’appréhension qu’elle éprouvait pour demain, elle ne put s’empêcher d’être excitée à l’idée de dormir. Sa seule échappatoire du monde réel. Rêver a toujours été pour elle, le moyen d’oublier la réalité, pour le monde qu’elle avait découvert à travers les livres que sa mère lui avait donnés pour l’occuper. La possibilité de parler avec quelqu’un, et même de se faire des amis.
Huit ans enfermée, entre les quatre murs de la maison, sans pouvoir mettre les pieds à l’extérieur.
Ses yeux commencèrent à se fermer, emportés par le sommeil. Comme d’habitude, elle rêvait de se trouver sur une plage en se demandant comment ce serait de marcher sur le sable, la sensation des vagues venant caresser ses jambes. Imaginant des amis qui la rejoindraient pour s’amuser, s’éclabousser de l’eau les uns sur les autres et surtout rigoler, ce qu’elle n’avait pas fait depuis tellement longtemps qu’elle ne savait même plus comment, c’était. Elle espérait qu’un jour cela arriverait de nouveau et qu’elle pourrait enfin vivre librement.
Protège-moi de mon cœur… Chapitre 2